Sac de supermarché, sac poubelle et autres objets en plastique : ils sont devenus pour certains « biodégradables », sous prétexte de servir l’environnement.
Qu’en est-il exactement ? Enquête au coeur de la biodégradation.
Biodégradable : la définition
Un matériau est dit biodégradable s’il est dégradé par des micro-organismes. La réponse à cette dégradation est la formation d’eau, de CO2 (dioxyde de carbone) et/ou CH4 (méthane), et éventuellement des sous-produits (résidus, nouvelle biomasse) non toxiques pour l’environnement.
Processus de biodégradation

1 – Fragmentation. Le matériau se sépare en petits morceaux, soit par l’action de l’environnement (soleil, humidité, broyage), soit par l’action de micro-organismes ou petits être vivants (verres de terre, insectes, ..)

2 – Biodégradation. Les matériaux sont assimilés par les micro-organismes, qui produisent en réaction du CO2 (dioxyde de carbone) et/ou du CH4 (méthane) et de l’eau.
Quand on dit qu’un plastique est biodégradable…
Il s’agit le plus souvent d’un plastique biodégradable « environnementalement acceptable« . Nous vous expliquons :
Composition d’un plastique biodégradable

1 – Polymère. Peut être d’origine artificielle (issu de l’industrie pétrochimique), d’origine naturelle (ex : amidon de maïs), ou les deux (on parle de matériau composite).
2 – Additif. Composé synthétique destiné à accroître une propriété spécifique (plastifiant, stabilisant, lubrifiant, …).
3 – Charge. Composé d’origine organique (souvent l’amidon) dont l’unique fonction est d’améliorer la biodégradabilité (on devrait plutôt dire : la fragmentation).
Bien souvent, et surtout quand le plastique n’est pas d’origine naturelle (tels que les sacs et autres emballages « classiques » composés de polyethylène), seule la charge biodégradable est attaquée par les micro-organismes.
Le polymère et l’additif restent sous forme de fragments (phase 1 du processus décrit ci-dessus). Le plastique se décompose donc…en plastique invisible à l’oeil nu.
Ces résidus, qui s’incrustent dans les sols et les océans, ont des impacts qui sont encore mal évalués par le milieu scientifique. Sans compter que, faute de réglementation internationale, nombre d’additifs ne font pas l’objet d’évaluation quant à leur toxicité sur l’environnement.
Biodégradable, sous quelle condition ?
C’est bien là tout le sujet. Car, comme nous venons de le voir, un plastique dit « biodégradable » ne l’est pas vraiment dans des conditions naturelles.

Un sac plastique biodégradable qui vole au gré du vent a très peu de chance de se biodégrader (c’est comme un caca sur le trottoir…)
Des tests en laboratoires attestent de la biodégrédation de certains polymères, sous certaines conditions (ex : température supérieure à 60°C et humidité suffisante) ; Des conditions qui sont loin d’être réunies en environnement naturel, mais qui permettent de faire porter la mention « biodégradable » à certains matériaux.
Que devient un plastique biodégradable jeté dans un compost domestique ?
Un sac ou un matériau biodégradable peut devenir compost uniquement s’il est estampillé d’un label réglementé (biodégradable ne veut pas dire compostable !). Le label le plus connu est « OK COMPOST HOME ». .

Et là encore attention : le label « OK COMPOST » – sans le « HOME » – ne suffit pas. Il se réfère à des conditions de compost industrielles qu’un particulier ne peut pas reproduire chez lui.
Si un matériau biodégradable ne comportant pas de label, est tout de même jeté dans un compost domestique : soit il ne se dégradera pas, soit il sera fragmenté en particules pouvant être nocives pour l’environnement qui accueillera le compost.
Que devient un plastique biodégradable jeté à la poubelle ?
Si le plastique est biodégradable ET compostable : il ne convient ni à la poubelle jaune de recyclage (biodégradable ne veut pas dire recyclable !) ni à la poubelle de déchets courants.

Jetés dans la poubelle jaune, les sacs compostables peuvent endommager les autres plastiques et empêcher leur recyclage.

Jetés dans la poubelle courante, les matériaux compostables finissent enfouis et libèrent du méthane, un gaz à effet de serre 23 fois plus puissant que le CO2.
Si le plastique n’est que biodégradable (mais pas compostable), il faut souvent contacter le fabriquant pour en savoir plus sur les conditions nécessaires à sa fin de vie glorieuse (ou non).
Conclusion

Un plastique biodégradable n’est écologiquement intéressant que s’il est compostable et que vous disposez d’un compost domestique pour valoriser sa fin de vie.
Autrement, un plastique biodégradable ne présente aucun intérêt écologique :
- Sa fin de vie en environnement naturel est peu ou prou la même qu’un plastique non biodégradable (ils se fragmentera juste plus rapidement).
- Sa fin de vie en poubelle jaune ou courante impacte davantage l’environnement qu’un sac non biodégradable (qui lui, a le mérite d’être recyclable si jeté dans la poubelle jaune, pour un nombre croissant de communes).

Pour aller plus loin : les autres conséquences d’un sac biodégradable
Cela aurait été dommage de s’arrêter en si bon chemin.
Nous venons de parler de la fin de vie du plastique biodégradable. Abordons désormais son début de vie.
Un plastique peut être composé de matériaux NON écologiques :

Matériaux issus du pétrole, ressource non renouvelable

Matériaux d’origine naturelle, (amidon de maïs, …), très gourmands en eau, et dont la culture intensive rime souvent avec déforestation. On les appelle les bio-plastiques ou plastiques bio-sourcés.
Intérêt du bio-plastique
La notion de bio-plastique fait bien référence au début de vie du produit, à sa fabrication. Elle n’est donc pas à confondre avec biodégradable, compostable ni même avec recyclable (notions ayant attrait à la fin de vie du produit). Pour cette raison, beaucoup lui préfèrent l’appellation bio-sourcé.

Le bio-plastique a un intérêt uniquement si :
- Le produit est effectivement constitué à plus de 50% de matière renouvelable (réduisant ainsi le recours aux énergies fossiles).
- La matière première renouvelable est cultivée selon le respect de l’environnement (ex : utilisation de ressources diversifiées n’entrant pas en concurrence avec les cultures vivrières)
- Le produit est facilement valorisé en fin de vie (compost, intégration à la filière de traitement des déchets organiques).
Ces derniers points soulèvent encore nombre de questions : car peu sont les produits bio-sourcés qui spécifient leur composition et informent sur leurs modes de production. Et les solutions techniques – outre le compost – pour valoriser le bio-plastique en fin de vie sont insuffisantes et bien souvent jugées trop coûteuses.
Finalement, que faire ?
L’ADEME préconise avant tout la réutilisation des matériaux et en finir avec les usages uniques, qu’ils soient biodégradables, bio-sourcés ou « bon pour l’environnement ».

Pour vos courses, réutilisez un sac d’épicerie ou un sac en matière recyclée. Arrêtez avec les usages uniques.
Par ailleurs…
N’oubliez pas qu’un matériau non biodégradable n’est pas forcément mauvais. À l’exemple d’un caillou.

Sources :
- Jean Guézennec. Biodégradation des matériaux, quels risques pour la santé et l’environnement. Éditions Quae, 2017
- Plastiques biodégradables. Fiche technique de l’ADEME. Septembre 2016
- Les plastiques biosourcés. Fiche technique de l’ADEME. Septembre 2013
- Biodégradabilité et matériaux polymères biodégradables. Note de synthèse de l’ADEME. Mars 2005
- Sacs compostables, le vrai du faux. Agence Science-Presse [consulté le 4 décembre 2018]
- Matière plastique. Wikipedia [consulté le 11 février 2019]
- Biodégradation. Wikipedia [consulté le 10 décembre 2018]
Comments 3
Article très pertinent, contrairement à bien d’autres !
Bravo pour ce travail de communication
Author
Merci Elisabeth pour votre retour qui fait chaud au coeur ! Ce fut un sacré travail de plusieurs mois pour réunir et clarifier l’information. Contente que cela vous ait parlé.
Merci pour votre article. Pas facile de s’y retrouver si on veux être plus vertueux dans notre vie de tous les jours. Un vrai casse-tête pour moi qui aimerais bannir au maximum les plastiques. A chaque besoin, une question, y a t il une alternative au plastique ? Et là le casse-tête commence. La vie semble de plus en plus compliquée…